Album : Death Below
Edition : SharpTone Records
Date de sortie : 24 mars 2023
A table !
August Burns Red est arrivé dans mes oreilles en plein confinement 2020, quand, faute de live à déguster, la tendance à la mode se limitait à réchauffer au micro-ondes des captations de fests congelées. Grace au service d’un algorithme Youtube bien inspiré ce jour-là, un Wacken 2014 aura donc été la clé pour faire connaissance avec la discographie de Jake Luhrs et de ses copains. Nous sommes un an avant la sortie de leur 7ème album, Found in Far Away Places, et la setlist du jour va allégrement piocher dans les opus précédents. Un metalcore technique, sans concession, heavy à poin(g)t, servi chaud bouillant thermostat 9 (Back Burner) ou plus aérien (Marianas Trench, Beauty in Tragedy), le tout nappé d’une sauce de breakdowns fous. Les plats s’enchainent, aucune indigestion jusqu’au café gourmand, White Washed, et en sortie de table une furieuse envie de réserver une nouvelle soirée au plus vite.
Problème, les restaurants restent indéfiniment clos, sans date de réouverture.
Pour patienter, le groupe dévoile le solide Guardians, démontrant au passage qu’ils connaissent toujours les recettes maison à la perfection.
Hellfest 2020 puis Hellfest 2021 reportés, enfin la lumière avec l’annonce du Hellfest cru 2022 : rendez-vous pris à la Warzone pour les retrouvailles !
Ou pas… car les prémices d’un contexte économique moisi obligent le groupe à annuler leur tournée d’été en Europe. A défaut, la brigade de Bury Tomorrow passe donc derrière les fourneaux, avec une grande efficacité néanmoins.
Les deux groupes, amis à la ville comme sur scène, se retrouvent d’ailleurs en fin d’année 2022 pour honorer le Vieux Continent avec notamment un passage au Cabaret Sauvage. ABR clôturent la soirée et retournent le pit comme une crêpe avant d’y mettre le feu. The floor is lava, la salle n’est plus qu’un brasero, le menu gargantuesque ! Les promesses virtuelles, attisées par la longue attente, se concrétisent au delà des espérances. Voir Jake descendre directement dans le crash venir saluer les fans à la barrière, prendre le temps d’un petit mot ou d’une photo avec chacun, achève de convaincre : s’il existait un guide Michelin du métal, ces gars mériteraient leur étoile !
Au menu ce midi
Autant dire que l’arrivée prévue pour le 24 mars de Death Below, 10ème jalon d’un catalogue bien fourni en 20 années d’existence, captait toute mon attention et émoustillait d’avance les papilles. La pochette réalisée par Andrei Riabovitchev, artiste qui avait déjà œuvré sur celle de Raise pour Within Temptation, laisse visuellement préjuger d’une continuité, mais quelques indices d’une certaine forme de nouveauté ne tardent pas à apparaître.
C’est d’abord la première sortie chez SharpTone Records depuis le départ du groupe de chez Fearless, et à la lecture de la tracklist, on remarque aussi très vite la présence de 4 chansons sur lesquelles la crème de la scène metalcore actuelle a été invitée… Intriguant, il est temps de passer aux choses sérieuses et de goûter tout cela !
En entrée le chef vous propose
Dès l’amuse bouche, l’album déstabilise. Il propose de débuter par une courte mais inattendue intro de moins de 2 minutes, sorte de sermon où la guitare et la voix mélancoliques sont rejointes et soutenues sur la fin par une batterie, qui assène clairement son crédo : « We’ll never be the same »… comme l’indique son titre, serait-ce l’annonce d’une Premonition quant à ce qui nous attend ?
La piste suivante, The Cleansing, vient en effet enfoncer le clou. Sans prévenir, c’est parti pour un assemblage de saveurs de… 8 minutes ! Oui, oui, 8 minutes, au cours desquelles s’enchaineront sans relâche des passages riches en pluies de notes sur une rythmique intense et des breakdowns furieux, le tout saupoudré d’envolées lyriques et d’instants mélodiques profonds. Bluffant ! Et là-aussi complètement surprenant de la part de ABR.
Fort à parier donc que ce démarrage divisera les fans de la première heure, qui pourraient trouver ça indigeste, à la limite de la prétention pompeuse, mais pas d’inquiétude, on revient vite à de la cuisine plus familière.
Premier plat
Ancestry, le premier single dévoilé à l’annonce de l’album, remet les casseroles au feu. Jesse Leach de Killswitch Engage n’est clairement pas venu pour jouer les apprentis commis et livre un délicieux morceau écorché et thrashy.
Tightrope donne toute latitude à Jason Richardson (guitariste de All That Remains, passé par Born of Osiris, All Shall Perish, ou encore Chelsea Grin) de nous servir ses riffs ciselés, à volonté.
Après une telle entame, l’interlude Fool’s Gold in the Bear Trap se positionne judicieusement en trou normand. C’est frais et délicat, avant de remonter à pleine puissance.
Deuxième plat
Une association parfaitement adaptée pour repartir sur Backfire, le second single de l’album, véritable « coup de poing dans le visage » comme le déclare le groupe lui-même.
Et comme si le plat n’était pas assez musclé, il est accompagné de Revival, énervé, épicé aux growls, en un mot : brutal.
Sevink arrive alors de nulle part, et ce second interlude musical interpelle à nouveau. Il permet toutefois de souffler un peu, avant d’attaquer le dernier tiers de l’album. Et tant mieux, car il va falloir trouver de la place dans l’estomac pour terminer le festin.
Duo de fromages…
Dark Divide explose en bouche à la première cuillère. Catchy, avec des breakdowns encore plus efficaces, difficile de ne pas headbanger sur son assiette et de céder à la tentation de renverser la table. Il est d’ailleurs très probable que la version jouée en live devienne vite synonyme de bagarre générale…
Au tour de Deadbolt de libérer alors toute son énergie, dans une veine metalcore maitrisée.
…et dessert
En guise de dessert, Death Below s’achève sur deux autres collaborations.
The Abyss avec JT Cavey, dernier chanteur de Texas in July et actuel chanteur de ERRA, s’inscrit bien dans l’univers d’ABR.
C’est avec Reckoning, sur lequel participe Spencer Chamberlain de Underøath, que le groupe décide de clôturer l’album. Un pied de nez étonnant car tout comme The Cleansing, ce troisième single nous embarque à nouveau pour un voyage de près de… 8 min ! Un mélange équilibré de metalcore gonflé à bloc pour la première partie, puis la voix de Chamberlain se pose sur un solo apaisé, avant que la folie et le chaos ne repartent de plus belle. Encore une fois, un exercice plutôt déstabilisant, surtout en conclusion.
Un digestif et l’addition s’il vous plait !
Au moment de reposer sa serviette, que penser finalement de ce Death Below ?
Depuis toutes ces années passées à murir, ABR maitrisent leur sujet, et n’ont clairement pas perdu leur identité ni ce son si caractéristique qui est le leur. Ils le démontrent une fois de plus avec ce nouvel ajout à leur discographie.
Le piège serait qu’à force d’accumulation la monotonie et la routine s’installent, avec des morceaux récents qui finiraient par tous se ressembler entre eux jusqu’à en devenir interchangeables : de simples copies de titres plus anciens, la force de la surprise en moins. Sans revisiter leurs classiques pour autant, ABR évitent heureusement cet écueil en intégrant finement d’autres ingrédients à cette base très solide, que ce soit par le biais des collaborations ou en faisant preuve d’une audace progressive insoupçonnée.
Personnellement, j’en reprends volontiers s’il reste du rab’ !
Matthieu CHATENAY pour BGP
Ancestry (feat. Jesse Leach) : https://youtu.be/AZ4yJujwPaM
Reckoning (feat. Spencer Chamberlain) : https://youtu.be/1gd27sANdEY
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