En ce dimanche matin, chacun fait le point, non pas pour préparer la messe de fin de matinée, mais pour savoir combien de points de vie ont été abandonnés au cours des deux premiers jours de festivals et rassembler ce qu’il reste en force pour affronter cette troisième journée qui va immanquablement en demander quand on jette un œil à la programmation !
Sortir de la tente, se laver l’cul, se le botter aussi, grignoter un bout, oser un café, chasser les démons de la soirée interminable qui hurlent encore dans la tête… Il va falloir se faire violence mais le jeu en vaut la chandelle, d’autant plus que Strivers envoie déjà les balances ! Moins fort put1... !
11 heures, pas idée de commencer si tôt ! Du reste, l’horaire surprend un peu les festivaliers qui pensaient que cela allait démarrer à 11h30 comme la veille ! Strivers ne les attend pas et lance les hostilités avec une apparition de son frontman dans sa combinaison licornée pour l’occasion, hommage à la team sécurité aux crash-barrières et signe du côté déconneur de l’homme, sans surprise pour ceux le connaissant ! Intro passée, c’est une bonne claque dans nos courges que l’on reçoit, une demi-heure durant, avec un set de metalcore qui fait taper du pied et headbanguer sans retenue ! Seb (guitare) et Ewen (basse) envoient du lourd sous le regard de Marty, qui tient la barraque avec des frappes de mammouth derrière ses fûts ! Les morceaux s’enchainent, alternance d’anciens morceaux et de titres tirés de leur dernière galette intitulée « Precious Core » ! Stef ne tient plus en place et se laisse aller à slamer au sein du public qui a rejoint le pit depuis ! 30 minutes certes trop courtes mais intenses, il fallait bien ça pour remettre du charbon dans la chaudière ! Well done guys !
Le temps de changer le matériel que déjà Kamizol-K pointe le bon de son nez ! Eux-aussi sont en territoire connu et conquis sur les terres du Sylak ! Ils ont connu une belle ascension notamment l’année dernière avec une participation à nombre de festivals, dont un passage remarqué et dantesque sur la Warzone du Hellfest et une reconnaissance méritée, le tout en moins de dix années d’existence ! Du hardcore encore, mais n’a-t-on pas besoin de prendre des coups de savates pour continuer à nous remettre dans le droit chemin en ce début de troisième journée ? Et quel hardcore ! Celui qui déchaine la violence du pit, qui t’interpelle par ses breakdowns brutaux, qui te donne le souffle court avec des morceaux tels que « Nothing can stop me » ou encore « Get away » et qui te scotche avec l’alternance de chant entre ses deux front(wo)men ! La folie de la fosse qui disparait dans la poussière suffit à traduire l’accueil que le public leur réserve et qui communie avec Nico (basse) venu joué quelques notes au milieu du pit ! Une bonne tartine in da face !
Du hardcore au Grind, il n’y a qu’un pas et surtout une demi-heure pour changer de plateau ! Comme son nom l’indique, Escuela Grind donne dans le grind et la powerviolence ; leur prestation aujourd’hui ne laissera aucun doute à ce sujet ! Le quatuor new-yorkais ne fait pas dans la dentelle et offre de la matière à la fois musicale et visuelle qui donnent de bonnes raisons aux aficionados du pit de le retourner. Leur grind est certes basé sur des sonorités résolument old school mais non réfractaires aux évolutions modernes, le tout étant propice à briser des nuques plus que de raison.
Succession d’uppercuts et de directs in our faces, de riffs gras et de breaks bien fats, tous plus violents les uns que les autres, le quatuor évolue avec une sauvagerie à fleur de peau et est manifestement heureux d’être sur la scène du Sylak ! Du reste, le public le leur rend bien et leur accorde une belle ovation manifestant ainsi sa satisfaction ! Belle découverte me concernant, le grind n’étant pas mon couloir habituel de nage !
L’éclectisme de la programmation nous fait basculer dans le folk punk celtique d’outre-Manche, avec The Roughneck Riot, qui traine ses guêtres sur la scène underground depuis bientôt vingt ans. Sans surprise, c’est un set festif composé autour d’une musique propice à renforcer le sens de la camaraderie autour de breuvages houblonnés et des thématiques faisant la part belle aux injustices qui foisonnent dans un monde toujours rendu plus fou par la connerie humaine. Sueur et bonne humeur font bon ménage dans les volutes de poussière du pit du Sylak, entre parties de mandoline, de banjo et d'accordéon qui sont une classe d'harmonie, de style et d'habileté ! Phases mélodiques et fureur rapide se complètent à merveille et produisent leur effet sur les festivaliers, certes fatigués mais ne refusant jamais le partage d’un moment de fête.
C’est au tour des Canadiens (nation décidément très représentée cette année au Sylak) de KEN mode de monter sur les planches ! KEN Mode (Kill Everyone Now), fruit de l’imagination des frères Matthewson, égrène les dates en Europe en ce mois d’août : Hollande, Angleterre, Allemagne pour répandre à qui veut l’entendre, leur noise rock à la sauce sludge post hardcore, sans bien évidemment laisser le Sylak en plan ! Ils livrent un set qui a de quoi secouer la pulpe, à la fois explosif et peu conventionnel (cachez ce saxo que je ne saurais voir !) qui a de quoi désarçonner les esprits cartésiens ! Il y a une certaine forme de férocité naturelle dans leur musique et son interprétation, des guitares au chant agité et hurlé, à la prestation scénique bien énervée du quatuor ! Ne les connaissant pas auparavant, j’avoue qu’il va falloir m’y replonger pour en comprendre toute la substantifique moelle !
Pas le temps de se poser trop de questions, mais suffisamment pour prendre une pinte, que les Canadiens (qui a dit encore ?) de Cancer Bats se présentent déjà face à nous ! Ils nous balancent à la gueule quarante-cinq minutes d’un mélange de groove, de sludge, de punk déchainé et de hardcore bourré d’énergie qui déménage dans les chaumières… Mais surtout dans le pit plus que chaud bouillant pour l’occasion ! Cette mixture est d’une efficacité redoutable : de l’adrénaline en intraveineuse, des rythmes effrénés et compulsifs, des refrains simples et massifs et une indéniable présence scénique, bref, il ne manque rien pour faire basculer la fosse dans un authentique moment de dinguerie ! Malgré deux décennies au compteur mais sans un pet de jeu dans les rotules et le départ du guitariste fondateur Scott Middleton en 2021, Cancer Bats déménage toujours autant, ce ne sont pas les festivaliers présents aujourd’hui qui diront le contraire ! Good job guys !
Faut-il encore présenter Tagada Jones ?
Chacun sait que le combo évolue dans un punk revendicatif et construit son univers sur des textes qui prônent le respect, la liberté ou l’écologie, et critiquent la mondialisation, les manipulations, le capitalisme sauvage, le fanatisme ou encore le sexisme et l’intolérance… Bref, tous les maux de notre société en quelque sorte, ce qui leur fait valoir quelques remontrances, certains les jugeant trop convenus, la tournée des Gros 4 les ayant confortés dans ce constat. Que l’on aime ou pas, voilà plus de trente années maintenant que les Rennais de Tagada Jones arpentent les scènes des festivals et des salles obscures et leur passage au Sylak indique qu’ils n’ont pas pris une ride, chaque titre rencontrant un accueil énorme ponctué par des vagues de slams et de pogos incessantes, prime à leur désormais hymne « Mort aux cons » servi avec une fougue et une rage des débuts, sans surprise !
Changement de registre en ce début de soirée avec les Grecs de Rotting Christ qui nous secouent les esgourdes depuis plus de trente-cinq ans avec un black metal hellénique et maléfique de toute beauté ! Rotting Christ est de retour en Rhône-Alpes après un passage encore ancré dans nos mémoires l’année dernière au Lions Metal Festival et le set délivré au Sylak va enfoncer le clou ! C’est une prestation de patron à laquelle nous assistons et le remplissage impressionnant de la fosse et de ses abords ne trompe pas ! Une setlist de folie avec quelques morceaux du dernier album sorti cette année « Xristou » et les morceaux emblématiques qui jalonnent leur riche discographie tels que « Grandis, Spiritus, Diavolo », « Κατά τον Δαίμονα Εαυτού » ou encore « Societas Satanas » sur lesquels la participation du public est entière ! La présence scénique du quatuor diabolique est à la fois naturelle et impressionnante, le charisme de chacun des membres y contribuant fortement ! C’est tout bonnement l’un des moments les plus forts de cette douzième édition du Sylak ! La bande des frères Tolis ne semblent jamais vouloir abdiquer et franchement, qui va s’en plaindre ?
Après ce coup de massue monumentale, on reste sur du Metal hellénique avec Septicflesh qui entame le début de soirée sans faire retomber la ferveur qui règne sur le stage Régis Perrin ! Forte impression là-aussi, que ce soit sur le plan musical avec un death metal puissant et parfois atmosphérique de toute beauté et bien servi par un son aux petits oignons, une setlist dans laquelle il n’y avait rien à jeter, un charisme naturel renforcé par des costumes tout droits sortis d’une nouvelle lovecraftienne et un jeu de lumière faisant le bonheur des photographes, que dire de plus ! Le public les a plébiscités, bien chauffé et incité à participer par Spiros en grande forme et a communié à chaque instant ! Hellenic Metal rules, what else ?!
L’ambiance s’étant considérablement assombrie, entre black et death et avant d’accueillir la tête d’affiche, Converge vient jouer les prolongations en matière de punk hardcore bien énervé, teinté de mathcore avec un soupçon de grindcore, le tout bien englué dans un noise rock bien boueux !
Les gars du Massachusetts assurent cet été cinq dates en Europe (Roumanie, Hongrie, Allemagne, Suisse) et ne pouvaient pas, au risque de faire une faute de goût, faire l’impasse sur le Sylak ; c’est avec un plaisir non dissimulé que le public les accueille peu après 21h30 ! La bande à Jacob ne donne pas dans la demi-mesure et lâche les chevaux d’emblée avec une authenticité et une sincérité évidentes, au diable les faux-semblants ! Devant une fosse ravagée et en trance, et comme à son habitude, Converge a expurgé, avec une violence intacte après trois décennies d’existence, tout le pessimisme des thématiques qu’ils évoquent, et vu le niveau de violence exprimée aujourd’hui, autant dire que leur approche est sans concession.
Un changement de plateau qui demande plus de taf au vu de la scène qui se monte pour accueillir la tête d’affiche de cette douzième édition, avec la mise en place de rampes latérales, de dispositifs pyrotechniques, de lights supplémentaires ainsi que d’un rideau masquant l’ensemble de la scène… Behemoth chiade ses concerts avec des mises en scènes qui ne se foutent pas de la gueule du monde ! Cirque diront certains, génie créatif de Nergal diront les autres, toujours est-il qu’on n’aime ou pas le groupe, les festivaliers présents ce soir ne pourront que constater le professionnalisme des Polonais et auront eu le souffle coupé du début à la fin d’un set en tout point remarquable… Et j’avoue qu’ils ne furent pas les seuls !
Les ombres maléfiques des membres du groupes (à noter qu’Inferno est remplacé sur la tournée par Jon Rice derrière les fûts suite à des soucis de santé) se projettent sur l’immense rideau au son de Post-God Nirvana avant que le voile ne s’affaisse pour lancer le show autour d’une setlist phénoménale qui parcourt l’ensemble de l’œuvre discographique du groupe ! « Conquer All », « Bartzabel », ou encore « Ov Fire and the Void », que des incontournables, et content de réentendre « Demigod » en live ! C’est torches en feu en main que « Christians to Lions » se lance, chaque morceau faisant l’objet d’une mise en scène travaillée et en phase ! Les effets pyros sont terribles, Nergal est omniprésent et il faut reconnaitre que Jon fait le job derrière les fûts ! C’est donc un final en apothéose que nous offre le Sylak avec Behemoth et tout le monde en aura pris autant dans les mirettes que dans les esgourdes !
C’est ainsi que prend fin cette douzième édition qui aura tenu toutes ses promesses !
En toute sincérité, la programmation de cette année était simplement grandiose et vu les prestations de chacun des groupes sur les trois jours, il n’y avait (quasiment) rien à jeter, juste de quoi faire regretter à ceux qui se posaient des questions sur « dois-je y aller ou pas » d’avoir été indécis trop longtemps, le sold out intervenant plus rapidement cette année.
La jauge de 10000 personnes pourrait largement être dépassée mais il y a la volonté de conserver ce format pour beaucoup de raisons et j’avoue qu’on ne s’en plaindra pas, l’ambiance familiale dans laquelle ses trois jours se passent est indéniablement un des marquants de ce festival open air qui a gagné depuis un moment ses lettres de noblesse parmi les évènements metal de notre hexagone !
Il convient de remercier ceux qui ont œuvré d’arrache-pied pour que nous puissions vivre ce festival dans ces excellentes conditions ! L’organisation et ses boss Nicolas et Mickaël, l’armée des bénévoles quels que soient les postes tenus, les tenanciers du merch, les groupes bien sûr pour le spectacle proposé et le public de doux dingues qui a ambiancé comme jamais ces trois jours qui resteront à n’en pas douter pour longtemps enfouis dans les mémoires de tous !
Merci à toi qui m’as guidé au parking, à toi qui m’as remis mon bracelet, à toi qui m’as servi des pintes, à toi qui m’as nourri, à toi qui m’as accordé l’accès au pit photos, à toi qui m’as protégé dans le pit pendant les prises de vue et à toi aussi que j’oublie sûrement, et qui, malgré la fatigue, a toujours fait preuve de bienveillance avec le sourire !
Big up à vous tous !
Enfin, à titre personnel et au nom de BGP Music Live, je tiens à remercier Cyrielle pour la confiance accordée à travers l’accréditation photos qui m’a permis de vivre des moments privilégiés et inoubliables, différents de ceux vécus à maintes reprises en tant que festivaliers, mais d’une intensité réelle !
Il va désormais falloir patienter une année avant de revivre de tels moments du côté du stade Régis Perrin mais il se murmure aux confins de la plaine de l’Ain, que si tu te promènes à proximité du site à n’importe quel moment de l’année et que tu fermes les yeux, tu peux entendre la clameur du public faisant écho au douces sonorités métalliques !
Merci SYLAK OPEN AIR et see you next year !
Fred SCALPEL
pour BGP MUSIC LIVE
Portfolio Freddy GHEORGE
STRIVERS
KAMIZOL-K
ESCUELA GRIND
ROUGHNECK RIOT
KEN mode
CANCER BATS
TAGADA JONES
ROTTING CHRIST
SEPTICFLESH
CONVERGE
BEHEMOTH
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