Par Marion BOESCH
Pour BGP Music Live
Pouvez-vous nous parler de l’origine de FIGURZ ?
C’est une naissance en deux temps. Un coup de téléphone de Cédric à Sammy pour
repenser la direction artistique d’un projet en mutation. Ça s’est donc concrétisé lors
d’une phase de création et d’arrangement de premières maquettes instrumentales. Puis au
fil des mois et des superpositions de couches musicales on s’est rendus compte qu’il fallait
une troisième personne pour que ces morceaux puissent être interprétable en live. Mathéo
a donc rejoint la formation en amenant son grain de sel et sa sensibilité musicale. C’est
une fois tous ensemble qu’on s’est réellement penchés sur les mélodies des chants et sur
les paroles.
Sinon, pour l’origine du mot FIGURZ, c’est un mot anglais avec au moins trois significations
distinctes une fois traduit en français : silhouettes, chiffres et personnages. Ce sont ces
mots là qui, en tache de fond, ont aidé à l’écriture des paroles de nos premières
compositions. Il fallait un mot simple phonétiquement, qui soit assez sombre et qui
souligne cette idée qu’à nous trois nous sommes bien plus que la simple somme de nos
personnalités musicales.
Que retiendrez-vous du chemin parcouru par le groupe jusqu‘à aujourd’hui ?
La première pensée est celle de la tournée en Février 2020 avec notre ingé son et notre
manager dans le van. C’était notre première vraie tournée étalée sur 3 semaines à jouer
presque tous les soirs dans des villes différentes en France et en Belgique. Dans un second
temps on pense à la période d’enregistrement de notre premier album à la grange, seuls et
isolés de la société, au milieu des falaises de la Clape. Difficile de résumer le chemin
parcouru sur bientôt 2 ans et demi mais sur cette route on rencontre des personnes qui en
quelques mots te font comprendre que ça le fait et que ça peut aller encore plus loin. On
pense à Virginie Bergier, une rencontre professionnelle et humaine qui nous a déverrouillé
des portes mentales. Ou encore le duo gagnant de Guilhem Trébuchon et Cyril Douay qui
nous ont accompagné pendant une semaine sur du coaching. Ce sont ce genre de
rencontre, additionné à celle du public, qui nourrissent la vie d’un artiste en fait.
Comment définiriez-vous en 3 mots l’ADN de FIGURZ ?
Rock / Imagé / Sombre
Que représente la musique pour vous ?
Une nécessité avant de devenir un exutoire. Surtout pendant la pandémie
mondiale, le canal de la musique c’est un moyen assez universel de se connecter et
de communiquer des émotions. Ramené à nos individualités respectives, on
s’accorde tous à dire que la musique c’est une motivation à elle seule. C’est
quelque chose qui s’enrichi en évoluant. Composer nous motive pour interpréter
les titres en live, une fois sur scène on cherche à enrichir les structures et les
morceaux. Le même morceaux doit évoluer entre l’album, le live, les versions
alternatives.
Quelles sont les bases, les fondements de la musique de FIGURZ ?
Car vous prenez un temps infini à écrire un véritable concept et le mettre en
valeur que ce soit musicalement en enregistrant dans des lieux atypiques ou
visuellement dans vos clips.
La base de la musique de FIGURZ est instinctive avant d’être cérébrale. On
compose dans un premier temps des instrumentaux de façon spontanée qui par la
suite nous procurerons des images, des émotions, nous rappellerons des références.
C’est donc dans un second temps que l’on « intellectualise » cette musique pour lui
donner un sens narratif. La façon dont ces premières versions rebondissent sur nous
pour devenir des versions 2, 3, 4, 5 avec une histoire et des paroles c’est ça la
recette de la composition de notre premier album.
En utilisant cette méthode c’est évident que ça demande plus de temps car tout
doit être cohérent, s’imbriquer et former un tout sans dénoter. Dès lors qu’on s’est
rendus compte que nos compos nous donnent des images et qu’il y ce coté narratif,
il fallait pousser le truc jusqu’au bout. Alors on a décidé d’enregistrer dans des
lieux ou les acoustiques parlent, des lieux chargés d’histoires.
La réverbération d’une église, les résonances d’une grange en vieux bois ou encore
le cliquetis de chaines qui se heurtent entre elles ... Tout ça se superposent à nos
compos en fond et donnent une seconde couche, une seconde lecture. Quand il a
fallut se pencher sur la réalisation des clips, c’est avec tout ce qu’il s’est dit
précédemment qu’il nous a semblé évident, de faire faire des vidéos qui
empruntent les codes du cinéma. De là sont donc nés des clips sous forme de bande
annonce, de générique ou autre.
Le visuel de « Another Kid Comedy » fait penser à une vieille pochette de livre
de poche. Nous nous croyons presque en vacances à l’Overlook Hôtel.
Que FIGURZ veut véhiculer à travers cette image ?
Nous ne vous souhaitons pas de passer vos vacances à l’Overlook Hotel !
Cependant vous n’êtes pas le premier média à trouver que cet album ressemble à
un livre. Finalement c’est un compliment qui est fait à cette histoire fictive. Pour
l’Overlook Hotel c’est inconscient comme référence honnêtement (même si on
adore le cinéma psychologique et d’horreur). Car finalement, ce que l’on a vécu
quand nous nous sommes isolés dans la grange pour l’enregistrement c’est en
quelques sortes le scénario de l’enfermement pour trouver l’inspiration proposé
par Kubrick dans Shining, sans la folie meurtrière.
La folie, le sang, la vengeance nous l’avons injectées dans notre histoire et dans
cet album. C’est plus sain comme ça pour nous. L’album est une histoire de
vengeance booster par l’espoir qui prend lieu et place dans l’imaginaire d’un
enfant. Cette église symbolise donc la foi et l’espoir de pouvoir s’évader, de voir
un horizon dépassable comme celui du désert de la pochette. C’est aussi une façon
pour l’auditeur de se préparer à entendre des sons de cloches, de chorales,
d’orgues, de guitares western ...
Comment abordez-vous la création de chaque morceau ?
Tout part d’un morceau instrumental qui devient ensuite le décors d’un lieu ou
d’un instant fictif. Suite à ça on essaye de s’injecter dans ce décors ou d’y injecter
des personnages et on se pose la question de ce que ces personnages pourraient
vivre dans ce lieu. Les réponses à ces questions deviennent les paroles des
morceaux. C’est un processus plutôt long finalement, on va pas vous mentir, il
n’existe pas de morceaux de FIGURZ qui ait eu au minimum 4 versions. Il y a
certains fils conducteurs à nos compos qui font écho à une de vos questions
précédentes, il y a toujours une part sombre, même cachée et c’est une musique
qui se veut imagée et narrative. Pour le point final sur la création, il est important
pour nous de donner plusieurs lectures à ces textes. Donc en dehors du fait qu’il
s’agisse d’une fiction, nous aimons injecter entre deux phrases des références pour
dénoncer certains sujets actuels voir plus anciens. Nous dénonçons des pratiques
immorales devenues assez répandues aujourd’hui mais on ne rentrera pas dans les
détails. Tout le monde n’en prend pas pour son grade encore, nous avons fait qu’un
seul album pour le moment ...
Vous venez de sortir un EP avec des versions alternatives de morceaux de votre
dernier album. Pourquoi ce choix ?
Car la reprise des concerts n’a toujours pas été sérieusement pensée dans la filière
de la musique, il faut donc occuper le terrain numérique pour le moment. Le
contexte de la tournée, du live, du gros son sur scène n’est plus actuel. En ce
moment le monde évolue dans un espace moins mobile, plus petit, plus calme
presque au ralenti. L’EP a donc naturellement pris un tournant plus intimiste et
plus « à la maison ». Nous avons entamé cela pendant le premier confinement et
on s’est rendu compte que les versions alternatives alimentent ce premier album
sans se mettre en concurrence avec celui-ci. Il y a aussi le format des morceaux qui
joue forcement car nous avons sorti des morceaux en vidéos confinées ou on se
montre chacun chez soi comme l’on fait énormément d’artistes pendant cette
période. Le fait de sortir de l’ombre et de se montrer le plus simplement possible a
été très bien accueilli par notre communauté et l’a même faite largement grandir.
Maintenant pour répondre à la question de pourquoi des versions alternatives.
Et bien car nous voulions créer une passerelle entre l’album sorti en octobre et cet
EP sorti seulement 7 mois après. L’idée que certaines notes puissent réapparaitre
sur cet EP alternatif donne aux mélodies un coté « thème de film » qui vont et qui
viennent de différentes façons au sein de l’intrigue.
Ces versions sont plus « calmes » et « posées ».
Comme un apaisement d’une forme de violence présente dans « Another Kid
Comedy ».
Les confinements successifs vous ont-ils changé ?
Les confinements successifs ne nous ont pas changés non. On a pour habitude de
dire que depuis la création de ce projet nous passons notre temps confinés, loin de
tout, isolés dans une grange, un mas, en studio. Donc finalement, le confinement
c’est quelque chose qui a fait partie de notre quotidien avant qu’il devienne une
contrainte mondiale. Par contre il est vrai que cet EP est plus calme et plus posé
mais cela traduit en fait la mise à l’arrêt de notre tournée, la façon dont on été
complètement en mouvement puis stoppés du jour au lendemain. Ça fabrique des
quotidiens différents, plus calmes forcement. C’est bien aussi, ça fait du bien mais
là c’est trop long pour notre horloge biologique ! Puis de façon plus décentré c’est
trop long pour la filière de la musique tout court.
Effectivement le premier album se veut assez violent car il parle quand même
d’une vengeance contre l’enfermement qui ne se passera pas en douceur. Cet EP
peut être la réponse et la solution à cet enferment. Il est volontairement plus
ouvert, plus solaire et de fait moins sombre dans les sonorités. On a qu’à dire que
le protagoniste de cette histoire a finalement réussit à passer la fenêtre et qu’il
est enfin libre, pourquoi pas ? Lui au moins s’est déconfiné. Le veinard !
Avec le contexte actuel et la pandémie COVID-19, comment envisagez-vous de
monter sur scène ?
Nous avons, pendant la deuxième moitié de 2020 et depuis janvier 2021, travaillé plusieurs
semaines en résidences avec des coachs pour améliorer notre set live, pour l’amener plus
loin. Donc on envisage de monter sur scène sans aucune demi mesure. Comme avant ...
mais en mieux.
Evidement on pense au live stream quand on entend cette question, nous nous sommes
déjà prêtés à l’exercice et nous nous y prêterons encore forcement. Nous nous adaptons,
c’est aussi pour cette raison que l’EP alternatif se veut plus acoustique, ça peut être une
arme pour des concerts avec des jauges fortement réduites dans des lieux plus petits. Quoi
qu’il en soit nous serons là ou les changement s’opéreront, si les concerts doivent être
assis pendant encore quelques années alors on sortira notre As de pique de la manche pour
répondre à cette contrainte.
Nous vivons dans une société qui a beaucoup évolué en terme technologique.
Comment faites-vous face aux nouveaux modes de consommations de la
musique (plateformes digitales où l’on consomme des titres plutôt que des
albums) ?
Tout est dit dans votre question, la technologie est devenue l’outil commercial par
excellence en plus d’être un outil de confort pour l’usager. « Consommer » de la musique
ou « mode de consommation » ça reflète assez bien la façon dont le monde voit désormais
la musique. Ça s’achète, ca se digère puis ça se jette. Ça justifie aussi les temps de
fabrication, le fait que certains produits répondent à des cahier des charges. Il faut
l’accepter et composer avec ça. Pour nous ça demande à repenser les temporalités et à
investir dans ces modes de communication mais c’est tout en fait. Nous sommes sur toutes
les plateformes d’écoutes numériques et nos futurs titres y seront aussi donc il faut
accepter les règles ou ne pas y aller mais c’est comme ça.
Par contre, il y a des choses qui sont bien plus palpables que le numérique ce sont les
concerts, les retours du public, les albums vendus mains à la main, dédicacés après les live
et qui sont l’objet d’un souvenir partagé avec des gens. Dans de tels moments il y a des
émotions et là nous ne parlons plus de consommer de la musique, c’est un échange.
Pensez-vous que les artistes doivent se réinventer dans leur manière de
communiquer pour ne pas être happé dans la masse des groupes qui tentent de
se mettre sur les devants de la scène ?
Oui et non. Dans l’absolu il le faudrait pour la raison que vous avez évoquée. Seulement ,il
y a certains cas ou ne pas le faire peut servir le projet. Ça va dépendre du propos
artistique et de l’image de l’artiste en question. Mais pour rester global, oui il faudrait
pouvoir se réinventer à chaque tendance, chaque mode, à chaque innovation
technologique et, paradoxalement, à chaque fois que quelqu’un à l’idée avant vous. C’est
flirter avec l’impossible à ce niveau là ... Mais il faut quand même y aller et faire de son
mieux. Quantité ou qualité, qu’est ce qui des deux permet de tenir sur la durée, c’est ça
le débat.
Quels sont aujourd’hui vos envies ?
Nous avons envie de jouer, de tourner, nous avons envie de voir comment va évoluer le live
pour savoir comment se projeter. Après de façon plus générale, on a envie de rencontrer
notre public et notre nouveau public, jouer en première partie pour se confronter à des
inconnus, se challenger, se mesurer à plus grands que nous. Mais surtout là maintenant de
suite on a envie d’être sur scène voir les gens se prendre le son dans le ventre et
redécouvrir un niveau sonore décent. Ça changera du volume de l’ordi ou du téléphone sur
son canapé.
Concrètement, comment voyez-vous dans 10 ans ?
Dans 10 ans on aura notre propre studio, on fera grandir notre communauté toujours plus
et on participera à faire grandir celle des autres.
Si je vous disais que je peux exaucer un vœu pour vous, lequel serait-il ?
Tu claques des doigts, et Netflix nous appelle pour composer le futur générique de Peaky
Blinders. Et comme tu sais claquer des doigts avec les deux mains en même temps, nous
serions sponsorisés pour porter les vêtements de la série.
Un grand merci à vous pour ce moment partagé !!
Merci à vous, plaisir partagé et bon courage pour la suite.
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